Un déjeuner sur l'herbe
À l'occasion du séminaire Ordre national et désordre international :
havres fiscaux, shadow banking, mafias, donné dans le cadre de la chaire,
Stewardship of Finance , Vrije Universiteit Brussel, 18 novembre 2013,
l'anthropologue Paul Jorion analyse la prohibition et le rôle des mafias dans
l'économie des paradis fiscaux (1). L'explication de ces deux faits sociaux est
bien construite et prestement avancée. D'un côté, certains traits de la nature
humaine sont caractérisés comme « necessary evils » et de l'autre,
ramassés dans d'une coquille de noix percutante, les mafias et l'État sont
présentés comme deux modalités, juxtaposées, de défense et d'accaparement de la
propriété. La sécurisation des propriétés contre rançon, ayant lieu lorsque
l’État est défaillant ou ne mobilise pas assez de ressources pour maintenir la
police, la justice, les prisons. P. Jorion constate en outre que nos sociétés
n'ont pas de prise sur ces « maux nécessaires », puisque la prohibition
engendre, mécaniquement, les zones noires par lesquelles ces besoins seront
satisfaits. Sans doute en raison d'un long séjour aux États-Unis, la vidéo de
l'exposé nous montre l'emploi de l'expression « necessary evils »
entourée de « quotes » gestuels, lesquels parient sur la perlaboration
par son public, des dévoilements dont Stewardhip of finance est le lieu.
De même, dans l'exposé, le Professeur joue de l'aveu d'une fausse naïveté,
lorsqu'il déclare avoir compris, seulement récemment, que les décisions des
plus hautes autorités en matière de politique financière pouvaient ne pas être
animées par la raison, mais par les intérêts d'un groupe restreint, dont
l'activité principale est de dissimuler que leurs décisions sacrifient
l'intérêt général dans le but de maintenir leurs seuls avantages. Avec le recul
des années, l'auteur de Principes des systèmes
intelligents nous dévoile qu'il avance selon une stratégie de crédibilité, d'ailleurs
parfaitement illustrée d'une barbe taillée avec le savoir-faire et l'acuité de
l'esprit dont son propriétaire fait également preuve, lorsqu'il place son
capital culturel, en apparence du côté de l'ordre, mais pour le dire
plaisamment, à la façon d'un Manet peignant le Déjeuner sur l'herbe, de
toute sa maîtrise et son aplomb, et avec la visée de faire « péter l'académisme
».
L'usage de guillemets renvoie l'interlocuteur à sa propre définition du
sens de « necessary evils », non pas que celui qui l'utilise en premier
ne disposerait que d'une définition, peut-être encore approximative, mais parce
qu'il sait déjà que l'accord sur cette définition n'est pas immédiatement
partageable, et qu'il est préférable, par ce geste, d'indiquer que le premier
intérêt est de ne pas s'y arrêter et de poursuive la discussion. Sur ce point,
Paul Jorion sait qu'il nous laisse entièrement l'usage des armes qu'il nous a
offertes. Ainsi, je ne trahirai pas sa pensée en écrivant la définition du mot
« définition » selon la théorie de l'inconscient radical énoncée dans Principes
des systèmes intelligents:
Définition d'un mot dans un dictionnaire : opération idéologique ayant pour
objectif de tailler, à la mesure des auteurs du dictionnaire, dans l'histoire
des réseaux mnésiques auxquels son signifiant fut attaché.
Comment lis-je « necessary evils » dans la perspective de cette
réflexion sur les paradis fiscaux ? Remarquons d'entrée la symétrie lexicale et
soulignons que Paul Jorion « quote » l'entièreté du syntagme. Par ailleurs la
prostitution et les drogues sont référentiellement désignées, ce qui, en quelque
sorte, "substantifie" l'énoncé, sans pour autant le tirer hors de son
paradoxe.
Paul Jorion n'a jamais fait mystère qu'il caresse le rêve d'une psychologie
« hard », à la façon dont Freud écrivait "... le philtre Soma contient
certainement l'intuition la plus importante, à savoir, que tous nos breuvages
enivrants et nos alcaloïdes excitants ne sont que le substitut de la toxine
unique, encore à rechercher, de la libido, que l'ivresse de l'amour produit."
Freud, Correspondance S. Freud K. Abraham, Lettre du 7 juin 1908,Gallimard,
1969, p.47.
Pour avancer dans cette direction, P. Jorion nous a offert la modélisation
du fonctionnement du réseau mnésique, avec lequel chacun de nous formule des
suites de sons en direction de ses congénères. Chaque petit d'homme apprend le
lexique du groupe humain auquel il appartient, au fur et à mesure que
s'organisent dans son cerveau l'équilibration des affects par lesquels lui sont
transmis les usages de chaque mot. Ainsi se constitue, en chacun de nous, le
réseau mnésique qui lui est propre, et qu'il transmettra à son tour,
enrichi, parfois, de nouveaux chaînages réussis, parce que poussés au jour par
l'idiosyncrasie de sa dynamique affective, tout en ayant la pertinence, ou la
chance, de rencontrer le sentiment général du groupe ou d'une partie du groupe,
ou bien seront-ils refusés. Dans ce dernier cas, cette petite constellation
d'affects voyageuse, se transmettra plus inconsciemment encore, à la
succession, des générations, le plus souvent de sa lignée, jusqu'à sa
réapparition.
Ainsi Manet, au risque de réactions violentes, mobilise-t-il l'équilibre
entre l'ocytocine et la dopamine de l'esthète - sur le plan hormonal nous
sommes tous quelque peu androgynes - sur le tableau, des hommes en costumes et
des femmes nues forcent assurément le trait, et ... le tableau
fonctionne, même avec Bourdieu, qui s'y identifiait.
P. Jorion semble nous dire que nous avons un problème avec le sexe et les
substances illicites, ce qui correspond aux prénotions bibliques, mais n'en
fait pas encore les concepts d'une science hard. Dans quelle direction avancer
? J'indique donc quelques-unes des cartes dont mon logiciel, sur ce thème, s'est
au fil des années, comme se forme une pelote, peu à peu chargé :
· Un Pouvoir invisible, les mafias et la société
démocratique XIX-XXIe Siècle, Jacques de Saint-Victor , Gallimard 2012
· L'arnaque : la finance au-dessus des lois et des règles ,
Jean de Maillard 2010, Gallimard
· The Chemical muse
: Drug Use and the Roots of Western Civilization, D. CA Hillman , New-York,
2008
· Sociétés du crime : Un tour du monde des mafias, Clotilde
Champeyrache, CNRS éditions, 2006
· Drogue L' Autre Mondialisation, Jean Claude Grimal,
Gallimard , 2000
· Storming Heaven:
LSD and The American Dream, par Jay Stevens, New York: Grove Press, 1987
· The forbidden
game, A Social History of Drugs. Brian Inglis (prix Pulitser) 1975
· L'Inhibition de l'action, Henry Laborit Masson & Cie,
1979
· Discours de la servitude volontaire, Etienne de la
Boétie, 1549.
§
La prohibition des drogues comme « necessary evils » est moderne et
fut, d'entrée de jeu, une histoire d'impôt plutôt qu'une affaire de «
moralisation » de ce qui serait un besoin de notre nature diabolique. La tâche
de l'analyse politique de l'économie moderne est, aussi, de la dégager des
pièges de son histoire, d'en monter les liens aux pactes scélérats, scellés
depuis le 19e siècle, entre les groupes sociaux supérieurs et les basses
associations de prédateurs appuyées sur leur clientèle complice et le silence
du peuple. Plus ardu, ne devrions-nous pas, dès maintenant, penser, autant
notre situation de « soldats » et agents de ce jeu de dupes, que nous cantonner
aux réciprocités fonctionnelles délictueuses de haut niveau entre les
organisations de prédateurs de terrain et la bourgeoisie déviante? Il est faux de soutenir que ce sont toujours
"les gros" qui trichent et d'excuser ainsi je jeu des affects qui
animent la débrouille "des petits". Par les drogues qui y circulent,
par les images et les situations stimulant spécifiquement certains circuits
hormonaux, les formes d'organisations sociales créent l'éthos qui leur conviennent
et que tous nous partageons, si nous ne nous efforçons d'en dénoncer
l'hypocrisie partout à tout niveau, ce qui est électoralement difficultueux,
peut-être, mais nécessaire si nous voulons "contrer la Marine".
Parce qu'il est historiquement le premier des « démons modernes »,
j'emprunterai le chemin du tabac, lequel fut de bonne compagnie, avant d'être
rendu diabolique par James II Stuart, afin d'être taxé. Plus récemment, et sur
le modèle de la prohibition du tabac, la montée en puissance des paradis
fiscaux (dans les années 70-80) a résulté de l'alliance initiale entre les
bourgeoisies délinquantes et les mafias, parvenues au stade de développement,
que nous pourrions étiqueté, - de l'hégémonie des drogues -, lequel fut
construit en agissant, à l'abri et dans la continuation des pactes scélérats
établis à Naples et à Palerme dans les premières années du 19e siècle, lors de
la rupture du régime féodal. Selon des modalités, quelque peu différentes, une
même création de pactes scélérats a résulté des modifications des structures
sociales féodales, en France, en Chine, et au Japon ; les péripéties de
l'alliance des bolcheviks et des vori v zakone, s'est soldée par
leur retour en boomerang de la Kolima et l'alliance, connue sous le nom de «
régime poutine », d'une partie d'entre eux avec les "chicago boys" et
le meilleur des mauvais restes du KGB.
§
Depuis l'antiquité, les drogues n'ont pas posé problème; en 2008, C.A
Hillman (The Chemical muse) nous a montré, « horresco referens », que
les textes classiques grecs et latins en sont bourrés (dans une génération de
professeurs, les mauvaises manières de nos classiques (The maculate muse)
(1) ne feront plus peur. La banalité de l'usage de substances ne requérait
pas l'attention, au point que, paradoxalement, il ne nous reste que très peu de
traces. Les galères n'étaient pas concevables sans l'opium (cf. Jean
Marteille, Mémoire d'un galérien ...) et si la « cannebière » donne sur le vieux port, c'est que « les chanvres » ne
donnent pas que de la corde.
Ramené des colonies espagnoles par Jean Nicot, et vanté par Nicolas
Monardes « Joyful News out of the New Found World », l'herbe fut d'abord
une médecine une « herba panacea », comme toute nouveauté, y compris le
chocolat. Fumer ou en priser devint tout simplement « fashionable » chez les
jeunes nobles. Aussi, le tabac fut-il englobé comme symbole dans la guerre
sanglante (Cromwell ) entre les puritains protestants et les catholiques,
notamment par la publication du célèbre pamphlet « Work for Chimney Sweepers"
, auquel James II Stuart, lui-même, récemment accédé au trône, vint en ajouter,
en publiant son « counterblast of tobacco ». Le tabac devient une
affaire d'État, ce qui permit à James II, d'augmenter les taxes à l'import de -quatre
mille pour cent - , d'un coup - ! (A faire rêver Bercy). A ce prix-là « smuggler »
devient rentable. Le paradigme est
lancé, Colbert l'appliquera à son tour, et Molière s'en amuse dans l'ouverture
de son Don Juan. Le problème de la régie des tabacs est toujours d'actualité.
Nous remarquerons qu'il s'agit de l'instauration d'une situation de
double-bind politiquement instituée : la taxe n'est rentable que si les
conditions de perpétuation du vice sont créées, la taxe se justifie par les
réseaux illicites, et donc, selon la condition de Bateson - la seconde
injonction doit être inconsciente- sans que le peuple puisse avoir conscience
des mécanismes qui fabriquent l'oubli des mécanismes de perpétuation du « vice
», refoulement auquel participerait le postulat « necessary evils »,
s'il n'était mis en doute par des guillemets.
Pour suivre.... James II, toujours à court d'argent, baisse les taxes pour
augmenter la base de taxation de l'import, puis toujours plus fauché, cède la
perception des taxes à Lord Mongomery, Mongomery s'en tire mieux que James et
James rachète la charge aux frais de l'État ( en fait je ne sais pas comment il
fait pour racheter, je présume qu'il met un banquier dans le coup et que ce
dernier investit, derechef, dans « les tabacs de virginie ». De fait , et pour
faire plus mondain, c'est suite aux aléas de l'import, en ses temps troublés,
que nous devons aujourd'hui toute la subtile richesse des tabacs anglais saucés
et « Navy Cut », - a national asset -
He lets me have
good tobacco, and he does not
Sophisticate it
with sack, lees, or oil
Nor washes it in
muscadel and grains
Nor buries it in
gravel, underground
Wrapped up in
greasy leather, or piss'd clouts.
Jonson's Abel
Drugger, Ben Johnshon, The Alchemist
La diffusion de la prohibition du tabac est assez curieuse, elle se répand
comme une traînée de poudre - pour tout dire, je ne la comprends pas - Jean
Tavernier raconte (1670), qu'en Iran, les marchands qui importent du tabac sont
punis par du plomb fondu versé dans la gorge ; le Canton de Berne (Suisse)
instaure une sorte de tribunal du tabac copié sur celui de l'inquisition. Ailleurs,
on coupe le nez des priseurs , « knoute » les marchands de tabac, et si le Tzar
coupe les têtes des Boyards, ce n'est pas de la prophylaxie, mais plutôt parce
que leurs assemblées tabagiques sont prétexte à complots. Bref, ... le mystère
demeure ... (pas tout à fait, mais il serait nécessaire de détailler les
transformations de structure sociale concomitantes à l’arrivée du tabac).
Pour la suite de l'histoire du tabac, « le gris de l'oubli» pour le
prolétaire, dans l'usine et à Verdun avec le quart de rouge avant l'assault,
suffit à en éclairer l'enjeu. Le trafic de cigarette reste une source de
revenus pour les routiers, les passeurs... L'histoire moderne du formidable
lobby du tabac est bien connue, nous savons que des additifs furent intentionnellement ajoutés aux tabac
pour nous rendre dépendant, la nicotine seule n’étant, de fait, que peu addictive - c'est
dans la presse et devant la justice -, mais ces dernières années seulement.
D'autres études font état de la montée programmée, comme du temps de Bogart et
des « Laurens », de l'usage de la cigarette dans les strates en phase de
tertiarisation, dans les sociétés d'économie émergentes. Nos sociétés
marchandes génèrent les addictions dont elles ont besoin pour se construire et
se maintenir, en agissant directement et massivement directement sur nos
affects, sur quoi d'autre s'appuyer d'ailleurs? Les formes d'intoxication aux
tabacs et aux alcools évoluent, tout comme les drogues de synthèse (des
neuroleptiques au MDMA, etc.) remplacent le vieil opium et la coke. La nature
des drogues modernes n'est pas la nature des drogues anciennes. Le tabac disparaîtra
peut-être, mais l’organisation des intoxications marchandes entretiendra la
généalogie des circuits sociaux, étagés, asseyant leur pouvoir sur
l'exploitation programmée de nos circuits neuronaux.
§
Il y a donc (c’est un raccourci), non pas « une nature humaine »,
intemporelle, ou lentement dérivante, comme Paul semble encore nous le laisser
supposer, mais une - histoire humaine de la nature humaine - dont les
derniers mouvements relativement à l'addiction quoique, à l'échelle des
civilisations, similaires au déplacement des plaques tectoniques, sont très
récents! Le plus sérieux est que nous sommes tout prêt de tomber dans le piège
d'une stérilisation de la nature humaine transformée support de marchandises
chimiques, destin auquel nous a déjà préparé la diffusion massive des drogues
vulgaires. Les bases pharmacologiques du meilleur des mondes sont au point,
nous avons des molécules pour tous nos affects, à commencer par ceux associés à
nos stades terminaux, nous en connaissons les voies neurologiques et
hormonales. Soyons assurés que les multinationales pharmaceutiques ne les ont
pas rangées dans les cartons, comparés aux pharmaciens, les banquiers sont des
rêveurs ...
( Il est remarquable que Bourdieu, sur les 740 pages de son Manet et la révolution symbolique, ne s’aperçoive pas de la présence d'un champignon au centre de la ligne de base du tableau ; respectabilité et crédibilité, obligent à toute époque.
Les affects ne sont pas de la poésie; dans le style de compréhension offert
par le modèle de l'inconscient radical, les signifiants poétiques
marquent extérieurement la mobilisation d'un substrat biochimique, à la fois
très déterminant et très souple. Aussi, il s'agit, désormais, d'apprendre à
mobiliser, de façon civilisée, nos transmetteurs biochimiques avec des mots et
des gestes, plutôt que par la marchandisation de la psilocine de synthèse ;
instituer la Philia par la « réflexion et l'inquiétude de la vertu face à la
visée de la vie bonne dans la cité d'Aristote » - syntagme qui correspond à
une stimulation agoniste dopamininergiques des récepteurs 5-HT2a du cortex
frontal - sans que nous n’ayons préalablement remonté toute l'anamnèse de
l'état de foutraque neurologique dans lequel nous ont noyés les conséquences de
la conquête du Nouveau Monde, serait une perte de temps. Les gestes simples
seront un chemin plus direct, comme d'activer nos compétences
largement partagées à demander et à donner le chemin, car ce sont les plus
répandues dans les quartiers et c'est avec les quartiers et les associations
que ce savoir doit être construit. La convergence entre les drogues, les
mafias, la finance, et les paradis fiscaux est bien plus profonde que la
vignette du « trader junkie » que diffuse la TV des Zones; pour agir sur nos
systèmes nerveux, nous avons aujourd'hui le choix entre les mots pour exprimer
notre pharmacie interne ou un abonnement chez les pharmaciens et les dealers,
puisque nécessairement l'hypocrisie ne fonctionne qu'en tandem, à la façon dont
chœur chante l'envers de la crise, dans le théâtre grec (Jan Kott).
§
Je retiens de l'ouvrage de Jacques de Saint-Victor que l'histoire moderne
des drogues est une histoire économique mettant en jeu, dès le départ, les
connivences avec la haute bourgeoisie, cette connivence permettant aux mafieux
de base d'en développer largement le commerce en contrepartie d'autres services
rendus à la haute délinquance romaine en gants blancs, à l'exemple, de la
démocratie à clientèle (3) portée par la Démocratie chrétienne et réactivée par
le berlusconisme. Ainsi, la montée en puissance des paradis fiscaux est due
qu'à l'afflux massif de l'argent suite à la seconde génération des cartels,
après que le savoir-faire des chimistes marseillais, antérieurement acquis du
temps des "comptoirs de l'Inde" fut récupéré par l'Amérique
latine. De fait, la mise au point des laveries sophistiquées n'était pas
nécessaire aux vieilles classes aristocratiques et industrielles déviantes. L'épaisseur des tapis londoniens comme, en
temps de guerre, Zurichois, suffisaient à satisfaire la discrétion nécessaire
au maintien de l'entre soi. Le temps manquait pour que le jaillissement du fric
des nouveaux venus soit formé aux bonnes manières, aussi la machinerie fut mise
en place pour effacer les traces des mauvaises, car il fallait bien que la
haute bourgeoisie contrôlât, comme l'explique P.Jorion, un tant soit peu la
réintroduction de l'argent dans le circuit. Les fils de gangsters, furent
policés (sic) dans les hautes écoles de commerces, placés par leurs parrains
dans les hauts postes de multinationales, aussi, ne pouvaient-ils que
pousser "à toujours plus", et faire passer le mot d'ordre. L'objectif
fut Moscou, Berlin ( achètes tout, tout, n'importe quoi, criait, le
boss, Giovanni Tagliamento au téléphone, en novembre 1989 lors de la chute du
mur )... Bruxelles... le Pirée avec les familles chinoises et le TAP, avec la
famille azerbaïdjanaise. Il fallait bien que la part, un peu bêtasse, de la bourgeoisie
postmoderne suive le mouvement, ainsi, des officines, offshore, elles aussi,
lui promirent de gérer son pognon à du 15 et 20%, avant que de les « raquer ».
L'épisode, est tout aussi valable pour le « bâtit subprime »; il y a
des occasions à faire sur toute la ligne à L.A, en Espagne. Au Portugal, les
fortunes de l'ex-colonie angolaise rachètent, paraît-il, tout ce qu'elles
peuvent. Sous l'ancien régime, Les gabelloti
de la Conca d'Oro commencèrent par gérer les domaines des aristocrates locaux,
dont les plus malins parmi les plus doués étaient déjà des leurs, le double jeu
commence tôt. Ainsi gérés, les domaines déclinaient au fur et à mesure que, sur
tout le territoire, montait la ferme emprise des gabelloti. La révolution venue, ces pré mafieux mirent leurs hommes
et leurs techniques violentes au service des révolutionnaires, tout en
apprenant, des révolutionnaires éduqués, les techniques de l’organisation cloisonnée et
du secret, ces paysans furent très impressionnés. Puis, le régime de la
démocratie bourgeoise établi, ils retournèrent à Rome pour proposer aux
nouveaux maîtres, la continuation de leurs services en sous-main. Le pacte
était scellé.
L'ouvrage de J. de Saint-Victor, s'il rappelle et montre la nécessité, pour
les organisations mafieuses traditionnelles de disposer d'une large assise
populaire, laisse entièrement de côté le rôle de la neo-soldatesque au service
des bourgeoisies mafieuses, laquelle s'étend sur toute sa ligne de
commandement, à la façon dont les associations de prédateurs bancaires
s'emparent jusqu'à l'esprit de leurs guichetiers, ou lâchent tout une
hiérarchie de fretin chargé de rabattre les économies des familles dans le
piège des fonds de placement qu'ils savent, plus ou moins selon leur grade,
pourris par construction. Je ne détaille pas le nécessaire décryptage de toutes
les chaînes déviantes de l'arbre de la redistribution du budget de l'état. La
haute administration déviante - à la française - (issue du centralisme Jacobin)
ne pourrait fonctionner sans disposer d'une chaîne de relais à tous les étages,
travaux publics, pantouflage et passe-droit. Je le dis tout net, les
intellectuels ne devraient pas laisser ce terrain « aux chansonnettes de
Marine lave plus blanc », laquelle, sans plus d'ambition, rassemble les
équipes nécessaires pour se faire un peu de place sur le pont... la haute
bourgeoisie délinquante saura sacrifier quelques autres de ses « faiblards »
comme, les Tapies , les Dassault , les Wurtz, et autres Sarkozy (Pasqua fut
derrière ); la Dame trouvera l'argent pour payer la promotion de son armée de
pions et prendre des places, au risque de satisfaire les aigris de tout rang (
le ressentiment fut le moteur de la dynamique affective de l'expérience nationale
socialiste, sait-on, au-delà des paroles, quels sentiments profonds nous
animent en sous-main ?) en leur offrant d'être promus au service de la
moralisation du système et, après s'être emparée d'un simulacre de -
Stewardship of finance - laisser la "nature humaine" piocher dans
le gâteau. Paul Jorion s'avance-t-il assez que pour faire échec à la Dame ?
(1) Ce passage débute à 47'.52''
(2) Obscene
Language in Attic Comedy , Jeffrey Henderson, Oxford university press, 1991
(3) Expression de politologue pour désigner l'Italie la Grèce, la Belgique;
le Japon ...