lundi 6 octobre 2014


 La corruption, ça suffit ! Mediapart vous invite à un grand débat le 19 octobre

Questions  au panel d’intervenants.


 La Boétie nous présente la corruption  comme le ressort et le secret de la domination:
J’en arrive maintenant à un point qui est, selon moi, le ressort et le secret de la domination, le soutien et le fondement de toute tyrannie. … Ce ne sont pas les bandes de gens à cheval, les compagnies de fantassins… Il en a toujours été ainsi : cinq ou six ont eu l’oreille du tyran et s’en sont approchés d’eux-mêmes, ou bien ils ont été appelés par luipour être les complices de ses cruautés, les compagnons de ses plaisirs, les maquereaux de ses voluptés et les bénéficiaires de ses rapines. Ces six en ont sous eux six cents, qu’ils corrompent autant qu’ils ont corrompu le tyran. Ces six cents en tiennent sous leur dépendance six mille, qu’ils élèvent en dignité. » 
L’auteur de La Servitude Volontaire compte par six, par 6 X 600 X 6000  et précise l’ordre de grandeur  du résultat : « des millions » (21.600.000) – soit  la population de la France à l’époque ;  il montre ainsi que nous sommes tous impliqués dans un ordre hiérarchique corrompu.
Plutôt que d’être, par facilité, imputable à la « nature  humaine », la corruption n’est-elle pas une nécessité des systèmes sociaux  hiérarchique ?  De fait, pour grimper dans la société ne faut-il pas montrer toutes les qualités supposées aux élèves des grandes écoles ? Ce n’est pas donné à tout le monde. Dès lors, pour les moins doués selon les normes officielles, l’ascension par la corruption, ne s’offre-t-elle, à  tous les étages de l’organisation sociale, comme dispositif d’égalisation des chances d’améliorer sa position ? Bien entendu, cette dualité est également efficace lorsqu’il s’agit d’atteindre les sommets de l’énarchie. Le système des normes morales explicites nécessite partout leurs usages inversés. Plutot que d'être une succession de  ratage sociaux,  la corruption n'est-elle pas la forme duale des sociétes actuelles ?
Notre intérêt pour les « affaires à la Une » et notre  bienveillance  à excuser,  comme nécessité de survie, la corruption "chez les petits", ne préservent-ils pas le ressort secret de l’organisation hiérarchique? Ne  compensons nous pas  le déplaisir à obéir en nous arrangeant, par n’importe quels moyens, pour être en position de  donner des ordres par en dessous ? Ne pourrions-nous  construire des dispositifs sociaux  permettant de régler, par des moyens plus subtils, la délicate balance entre les circuits du plaisir et du déplaisir? Prendre ainsi la corruption à bras le corps, n'est ce pas inconsciemment et à l'insu de notre plein gré maintenir, vaille que vaille, le principe de domination hiérarchique?

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"Nous vivons dans une société dont l'organisation est hiérarchique, que ce soit dans le travail, la production, l'entreprise; ou dans l'administration, la politique, l'État; ou encore dans l'éducation et la recherche scientifique. ... dans la société moderne, le système hiérarchique (ou , ce qui revient à peu près au même, bureaucratique) est devenu pratiquement universel. Dès qu'il y a une activité collective quelconque, elle est organisée d'après le principe hiérarchique, et la hiérarchie du commandement et du pouvoir coïncide de plus en plus avec la hiérarchie des salaires et des revenus de sorte que les gens n'arrivent presque plus à s'imaginer qu’il pourrait en être autrement, et qu'ils pour raient eux-mêmes être quelque chose de défini autrement que par leur place dans la pyramide hiérarchique les défenseurs du système actuel essaient de le justifier"
 Cornélius Castoriadis,  Autogestion et hiérarchie

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lundi 4 août 2014

Espirito Santo, ... et la Commission européenne n'a rien vu venir ...

Les phases de crises financières ne sont-elles pas l’occasion, pour les plus malins des plus doués des banquiers , de sauver, en douce, les billes de leurs meilleurs clients  ? Visiblement, l’opacité bancaire est entretenue avec un soin lucide. N’est-ce pas, comme au jeu des chaises musicales; lorsque la ronde des joueurs s’arrête, pour trouver  la chaise où s’asseoir, il faut bien qu’ils s’en retrouvent par terre ? Et ceci amène une autre réflexion.

En effet, la dynamique propre de la concentration du capital par l’intérêt composé, n’est-t-elle pas, et dans un même ordre de nécessité, dans l’obligation d’organiser le jeu de telle façon que les moins bons joueurs perdent la partie, puisque, à parier sur  des reconnaissances de dette (P. jorion), il y aura toujours des perdants ? Ne croyons-nous pas que les mieux placés pour faire tourner le manège, savent très bien quand s’arrêtera le moulin, puisqu'ils le font tourner ?

 Alors voilà, qu’est venue faire Goldman Sachs dans Espirito  Santo ? En deçà du naufrage apparent, quelles sont les traces du sauvetage des avoirs de la galaxie familiale Espirito Santo ?  L’arrestation du patriarche Ricardo Salgado a quelque chose de pathétique, imaginez  qu’il travaillait tard la nuit, seul dans ses bureaux, à l’abri des regards … L’ "Esprit saint" de nos « démocratie" kleptocratiques" ne repose-t-il pas sur la corruption de segments entiers de l’économie, de la politique , de la justice, de la police, chacun appuyés sur des strates sociales « subalternes » mais tout autant clientes des brébendes qui percolent de ce climat de déviance?  Pour qui la Commission européenne est-elle aveugle ?

Selon Jean-Louis Legalery  ,  Isabel  Dos Santos, fille du Président de l’Angola, aurait gardé de son père, des ambivalences mafieuses, toujours est-il que Isabel est actionnaire à 20% de la  Banco Espírito Santo Angola (BESA) dont la Banco Espírito Santo (BES ) est actionnaire à 80% :  la Commission européenne ne voit rien venir…
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infographie (http://www.cabinda.net/List_Henchmen_MPLA_Angola.htm



voir égalment: Ludovic Lamant :  A genoux, le Portugal ferme les yeux sur l'«argent sale» venu d'Angola
(ci-dessous, extraits de l’article entier de Ludovic Lamant)
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José Manuel Barroso et José Eduardo dos Santos à Luanda, le 19 avril 2012 © CE.

Si la gêne domine à Lisbonne, d'autres institutions brillent aussi par leur absence. Sur ce dossier, l'Europe est muette. Marcolino Moco, un ancien premier ministre angolais (1992-1996), devenu l'un des plus féroces adversaires de Dos Santos, s'est récemment interrogé sur les silences de l'Union européenne : « Pour préserver ses intérêts économiques avec l'Angola, l'Europe ferme les yeux sur toutes ces malversations. »
Pour l'eurodéputée socialiste Ana Gomes, l'Europe serait même complice de cette opération : « L'austérité et les programmes de privatisation exigés à Lisbonne par l'Europe ont eu pour effet d'aggraver la dépendance du Portugal envers l'Angola. Non seulement l'Europe ne dit rien, mais elle pousse encore plus dans cette direction ! »
...
Ce n'est en tout cas pas du côté de la commission européenne qu'il faudra attendre une réaction, d'ici les élections européennes de l'an prochain. Son patron depuis 2004, José Manuel Barroso, fut l'un des premiers ministres portugais les plus proches du régime de Dos Santos. En 2003, il s'était rendu à Luanda avec dix de ses ministres. En tant que président de la commission, il a effectué une visite de deux jours en Angola, en avril 2012, pour renforcer la coopération de l'UE avec Luanda.

samedi 21 juin 2014


Un sujet délicat, pour ouvrir la discussion ...




( Réflexion publiée initialement dans le fil de la discussion ouverte par  Blog de Paul-Jorion a propos du billet : Rendement énergétique: nous sommes dans le déni!, par Stephane Feuten.


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Si solution il y a  ce sera  dans les manières de nous faire plaisir, intelligemment. Compte tenu de ce qu’il faut 7 protéines  végétales pour faire 1 protéine animale, nous devons devenir végétariens, ce qui impose que nous devenions des artistes en épices.  À  chacun son  ras el annout. Dans cette perspective,  le développement des jardins, non pas pour cultiver des patates, mais des plantes et des arbustes aromatiques est l’avenir de la cuisine.  Le 1 /7 est une mathématique essentielle, compte tenu de ce que l’agriculture est en fait une industrie pétrolière, la permaculture,  non, mais elle est consommatrice de main d’œuvre non robotisable  (même si les robots peuvent y jouer un rôle) ;  pour l’Europe compte tenu de la densité de la population et de la concentration de la propriété des terres agricoles, la solution passe par l’invention d’un « nouveau commun agricole »,  c’est délicat.
En effet,  il convient de prendre  en  considération des petits agriculteurs endettés et au bord du suicide, il n’en reste pas moins qu’après quelques décennies de PAC, nous avons tous payé la concentration des terres agricoles. Pourtant, les agriculteurs, qui en ont bavé » pendant trois générations  se considèrent « comme légitimes propriétaires ». Il ne s’agit pas de les spolier , mais de  faire en sorte que la reconversion agricole nécessairement entraînée par la fin de l’oléocène, ne conduise pas à mettre les chômeurs au service des paysans propriétaires, avec la complicité des nomenklaturas  communales distribuant des prébendes  sous forme de poste de gestion du capital humain dans nos belles campagnes. "

mercredi 11 juin 2014

Attali civilise le Code civil.


Dans son dernier billet, Pour en finir avec le vieux capitalisme , Jacques Attali entreprend d’inscrire l’un des principes de  l’économie positive dans le droit français ; ce n’est pas sans importance, Attali commente et reformule l’article 1832 du Code civil concernant la définition des « associés » :    «  L’article 1832 dit qu’une « société » est instituée par des « associés », qui « conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter ». L’article 1833 dispose que « toute société doit avoir un objet licite et être constituée dans l’intérêt commun des associés ». Des seuls associés. Et en fait, des seuls détenteurs du capital des entreprises »

Selon J. Attali l’article 1832 devrait  être reformulé ainsi : « Une société est constituée par des associés qui conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise commune leur capital ou leur travail, en vue de partager entre eux et avec les autres entités concernées (consommateurs, jeunes en formation, territoires, environnement, générations futures) le bénéfice qui pourra en résulter ». En outre Attali propose de préciser  « Toute société doit avoir un objet licite, être constituée et gérée par les associés, dans l’intérêt pluriel des associés et des autres entités concernées. Le droit de vote de chaque associé sera d’autant plus important qu’il apporte plus durablement son capital ou son travail à l’entreprise ».
 Sur le fond,  cette modification porte sur le sens de la propriété. En effet,  à la catégorie des  – associés  –, c’est-à-dire les personnes apportant « leurs biens et leur industrie »,   Attali ajoute la catégorie des   concernés  –  . Cette modification répond , en effet, aux caractéristiques de l’actionnariat moderne constitué, selon son heureuse expression, de « propriétaire de passage », tout comme elle prend  la mesure de l’impact écologique social et économique des entreprises sur l’ écosystème globalisé.  Attali précise qu’il n’a en cela rien de neuf, il ne s’agit d’inscrire dans le droit le main stream de la « corporate social responsabil ity  et du  social bizness , etc.  Selon Attali,  l’idée clef est que  par l’adjonction des  concernés ,  «  les conseils d’administration seraient tout autrement constitués ; ils auraient une toute autre mission ; et les décisions qu’ils prendraient seraient souvent tout autres. Encore faudrait-il aussi, dans le même sens, réformer les comités d’entreprise. » Attali propose donc une version actualisée de la participation gaullienne.
Curieusement, le rapport pour  une économie positive n’interroge ni l’échec des coopératives historiques ni celui du mouvement des nouvelles coopératives d’économie sociale  (Québec , Belgique etc.) dont l’expérience, déjà trentenaire , montre que  le déficit démocratique y est tout aussi profond que dans l’entreprise capitaliste, le public et les travailleurs y comptent pour du beurre .  De fait,  aussitôt que crées, les entreprises sociales et solidaires deviennent l’instrument de la pérennité d’une strate d’entrepreneurs et de gestionnaire ayant réussis  dans la branche de l’altruisme ; Attali n’est pas dupe, il sait déjà que l’économie positive sera dévoyée par certains dans un plus ou moins long terme, mais  il ne cherche pas à préciser  les moyens  de contrer cette la tendance. Il semblerait, à première vue, que l’encadrement juridique des entreprises par la reformulation de l’article 1832 soit une assise puissante ; elle impliquerait, par exemple, que les utilisateurs de Google aient juridiquement leur mot à dire  sur l’évolution du service, ou que les producteurs de gamme d’équipement électrique  ne soient pas libres de décider qu’il est temps de rendre une gamme d’interrupteurs obsolète, à seule fin de renouveler les ventes.
 Sur deux siècles et demi, la reféodalisation du monde par le pouvoir économique est aujourd’hui assez criante que pour inquiéter l’élite ; C. Lagarde ne dénonce-t-elle  pas  le trop d’inégalité et Warren Buffet ne demande-t-il pas demande à être davantage taxé. Dans ce climat d’inquiétude, les contributions personnelles rassemblées en fin du rapport Attali (pp. 175-203 reflètent cet enthousiasme  avec lequel  les Aiguillons et les Noailles jetèrent au panier l’ancien régime.  Certains diront la noblesse et l’élévation d’âme  attachée à cette vignette d’Épinal, d’autres, comme Serge Kropotkine analyseront les contre-rendu de séances pour dénoncer l’enfumage.  La manœuvre de  la Nuit du quatre août consistait à abandonner les droits féodaux sur la personne pour mieux assurer la reconduction des hiérarchies par le droit de propriété sur les choses. En distinguant entre « associés » inscrit dans le droit les termes d’une hiérarchie qui n’est pas questionnée, elle reconduit l’ancienne « alliance  pour le progrès »  entre  les accapareurs  issus de la révolution et le « savoir calculer » des artilleurs polytechniciens industrieux. La proposition de Jacques Attali mériterait donc d’être largement débattue, non simplement pour la déconstruire, mais, pour la reconstruire par la reconnaissance du mouvement, encore inachevé , de la reconnaissance de la « propriété » comme puissance des choses sur nous. Plus avant, les contradictions internes du projet devraient être montrées, ainsi en matière d’éducation positive (1), il ne s’agit encore que de gommer  les « inégalités de départ » des individus et non de favoriser l’action collective des groupes sociaux  dominés, afin que, par eux même, ils apprennent à agir  sur les conditions inégales qui leur sont faites. Pour donner un exemple, dans les sociétés de l’information,  toute entreprise devrait avoir une obligation d’éducation permanente, dont l’objectif serait de mettre à disposition des « concernés » les outils leur permettant  d’agir en vue de modifier les conditions sociales qui leur sont faites. On ne patauge pas dans la gadoue toute sa vie par simple destin personnel. Aussi, tout manœuvre « éco cantonnier » concerné par une opération de "mise à l’emploi solidaire" pour l’entretien des ripisylves, devrait au-delà d’une première journée de travail rémunérée et consacrée à la consolidation des savoir de base, disposer d’une seconde journée de travail rémunérée consacrée à une formation, de  très haute qualité, à l’écologie fondamentale.Nous avons les pédagogies adaptées et nous pouvons aider tout un chacun à comprendre les mécanismes de l’action de notre système nerveux dans son environnement, et notamment celui de la satisfaction par la dominance, ce qui permettrait d'en finir avec la reproduction du règne « des petits chefs » et la militarisation du travail. Mais, la grande question de l’élite n’est-elle pas, de rendre compatible l’organisation hiérarchique des sociétés, avec la survie de l’espèce ?

(1) "Une éducation positive
 Une éducation positive met en capacité les nouvelles générations, libère des inégalités et permet d’accéder à un emploi. L’altruisme s’exprime ici envers les jeunes générations en leur permettant de définir leur projet de vie, y croire et le vivre indépendamment des inégalités de départ"
(Rapport sur l’économie positive, p.217)

jeudi 13 février 2014

Paul Jorion et la chambre de Ames.

Paul Jorion et la chambre de Ames.

Dans la suite de la publication, sur son blog, de Un déjeuner sur l'herbe  Paul publie, sans me demander mon avis et sous un  titre qu’il ne comprend pas, une note privée initialement destinée à Michel Leis.  En évoquant Adelbert Ames, je faisais référence à l’auteur de l’illusion d’optique connue sous le nom de « chambre de Ames », et non à un vague sénateur « carpetbagger »,  comme la référence wikipédiesque ajoutée par Paul invite à le croire.

L’idée sous-jacente était d’évoquer la nature structurale de la corruption comme manifestation de la coexistence de deux lignes de pouvoir hiérarchique, à la manière dont la chambre de Ames engendre une distorsion perceptive en  composant deux échelles de référence parallèles.  Paul ayant redoublé ce coup en organisant un débat …  j’ai laissé tomber, car de fait, il nous a avoué être ces derniers temps « à la foire et au moulin ».



Je reviens sur cette anecdote parce que la revue Esprit présente un dossier sur la corruption et que Paul semble vouloir tenter un pas de côté sous la forme  d'un « Mea culpa », s’il reconnaît avoir sous-estimé le rôle de la corruption, c’est pour ajouter aussitôt  « J’avais tort parce que je n’avais vu chaque fois que la fraude interne à une entreprise isolée et je n’avais pas envisagé l’effet démultiplicateur de la collusion entre de multiples entreprises commettant la même fraude de concert. » . En substance, Jorion présente la corruption comme un facteur moral important, mais continue de croire que la corruption  ne relève pas des causes structurelles de la crise du capitalisme parce qu'il ne pense pas - d'un même mouvement - que le capitalisme est un système de domination et que "la corruption" est effet de la structure hiérarchique des sociétés comme mode de domination. Dans cette perspective, à mon avis, le pouvoir des 1% n’a pas d’envers et donc, le 99%,  pas d'avenir.


De façon tout à fait paradoxale avec ses propres supposés Paul Jorion conclu: « Des escrocs nous ont pris en otage. Ils sont intouchables. Que pouvons-nous faire ? »

L'affaire est à suivre; je reviendrai, ultérieurement,  peut être, la position d'observateur adoptée par Paul Jorion dans le dispositif de l'illusion de Ames.