La corruption, ça suffit ! Mediapart vous invite à un grand débat le 19 octobre
Questions au panel d’intervenants.
La Boétie nous présente la corruption comme le ressort et le secret de la domination:
J’en arrive maintenant à un point qui est, selon moi, le ressort et le secret de la domination, le soutien et le fondement de toute tyrannie. … Ce ne sont pas les bandes de gens à cheval, les compagnies de fantassins… Il en a toujours été ainsi : cinq ou six ont eu l’oreille du tyran et s’en sont approchés d’eux-mêmes, ou bien ils ont été appelés par luipour être les complices de ses cruautés, les compagnons de ses plaisirs, les maquereaux de ses voluptés et les bénéficiaires de ses rapines. Ces six en ont sous eux six cents, qu’ils corrompent autant qu’ils ont corrompu le tyran. Ces six cents en tiennent sous leur dépendance six mille, qu’ils élèvent en dignité. »
L’auteur de La Servitude Volontaire compte par six, par 6 X 600 X 6000 et précise l’ordre de grandeur du résultat : « des millions » (21.600.000) – soit la population de la France à l’époque ; il montre ainsi que nous sommes tous impliqués dans un ordre hiérarchique corrompu.
Plutôt que d’être, par facilité, imputable à la « nature humaine », la corruption n’est-elle pas une nécessité des systèmes sociaux hiérarchique ? De fait, pour grimper dans la société ne faut-il pas montrer toutes les qualités supposées aux élèves des grandes écoles ? Ce n’est pas donné à tout le monde. Dès lors, pour les moins doués selon les normes officielles, l’ascension par la corruption, ne s’offre-t-elle, à tous les étages de l’organisation sociale, comme dispositif d’égalisation des chances d’améliorer sa position ? Bien entendu, cette dualité est également efficace lorsqu’il s’agit d’atteindre les sommets de l’énarchie. Le système des normes morales explicites nécessite partout leurs usages inversés. Plutot que d'être une succession de ratage sociaux, la corruption n'est-elle pas la forme duale des sociétes actuelles ?
Notre intérêt pour les « affaires à la Une » et notre bienveillance à excuser, comme nécessité de survie, la corruption "chez les petits", ne préservent-ils pas le ressort secret de l’organisation hiérarchique? Ne compensons nous pas le déplaisir à obéir en nous arrangeant, par n’importe quels moyens, pour être en position de donner des ordres par en dessous ? Ne pourrions-nous construire des dispositifs sociaux permettant de régler, par des moyens plus subtils, la délicate balance entre les circuits du plaisir et du déplaisir? Prendre ainsi la corruption à bras le corps, n'est ce pas inconsciemment et à l'insu de notre plein gré maintenir, vaille que vaille, le principe de domination hiérarchique?
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Cornélius Castoriadis, Autogestion et hiérarchie
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